6ième jour : Nasbinals - St Chely d'Aubrac
Dimanche 29 avril 2012 : Nasbinals - St Chely d'Aubrac - 17 Km
La meilleure de mes étapes à ce jour [cf.beauté des paysages - temps superbe en comparaison d'hier - quasi absence de vent - sollicitation physique modérée sur une distance il est vrai plus courte]; je la conclus dans un sentiment de bien être quasi absolu.
Seule ombre à ce tableau, une nouvelle apprise dès le début du cheminement ce matin, à savoir le décès cette nuit à son gîte de la charmante dame hollandaise avec laquelle j'avais conversé hier après midi en arrivant à Nasbinals [!]. Cette nouvelle m'est transmise par l'une des jeunes femmes cheminant sur le sentier de St Guilhem qui partageait le dortoir où son mari la retrouvée sans vie vers 5 h [mort subite cardio-vasculaire probablement / échec de la réanimation].
Après avoir marché un moment avec cette jeune femme dont je tente de réduire l'incomprehension de l'événement, je poursuis en solitaire ma progression avec une sensation de poids supplémentaire.
Le brouillard initialement présent s'estompe progressivement alors que je chemine dans les ces monts de l'Aubrac aux paysages qualifiés par certains auteurs de "désert" et que personnellement j'appréhende plus comme un environnement "austère".
Sous un ciel alternant entre brumeux/nuageux et ensoleillé, je parcours donc d'un pas lent ces espaces m'arrêtant successivement pour observer jonquilles, buron ou bien encore croix, jalons du chemin.
Des ruissellements témoignant de la fonte de la neige tombée quelques jours plus tôt, sont omniprésents.
Ces espaces seront dans quelques semaines parcourus par les fameuses vaches d'Aubrac [la montée aux estives est prévue dans à peine un mois]
Finalement le village d'Aubrac et sa Domerie, dont ne subsiste plus qu'une église et une tour portant "la cloche des perdus" apparait. Après un temps de contemplation à hauteur d'une vierge à l'enfant, je m'arrête au niveau d'une construction, oeuvre d'un habitant du pays.
Je rejoins ensuite quelques pèlerins [dont le compagnon avec lequelle j'avais parlé GRH hier] arrêtés au niveau d'une sculpture, don d'une association alsacienne, structurée sur la base du nombre d'or. Je passe un moment à ce niveau afin de lire la notice d'accompagnement. Après avoir observé le village à travers son sommet, je reste pensif devant sa base porteuse du témoignage tout à la fois de la force de la pensée et de la petitesse [cf. dégradations volontaires] de l'homme.
Puis nous nous rendons à l'église, vestige d'une domerie fondé après 1120 par Adalard, comte de Flandre qui, cheminant vers la tombeau de l'apotre Jacques dut repousser en Aubrac les brigands à l'aller et essuyer une tempête de neige au retour in"loc(us) horroris et vastae solitudinis" (en ce lieu d'horreur et profonde solitude). Il fit en ces circonstances, le voeu de construire en ce lieu un hôpital et un monastère pour assister les pèlerins [vocation que rappelle un des vitraux]
Au décours, je retrouve à l'auberge "chez Germaine", manifestement une institution, mon compagnon ex cadre de la grande distribution actuellement donc chômeur, pour simplement un café [les soupes et tartes aux fruits ont l'air prodigieuses !]; une jeune femme nous propose, malgré la modicité de notre commande, de valider notre créanciale et à cette fin sort une énorme machine avec laquelle elle génère rien de moins qu'un cachet en relief [!].
Après cette pause je reprends ma progression, non sans avoir photographié 2 statues témoignant de la ruralité du territoire.
Rapidement je marque un nouveau temps d'arrêt pour contempler ND des Gentianes avant que poursuivre ma descente vers le terme de mon étape par des voies cheminant dans des paysages progressivement plus verdoyants.
Des vaches d'une variété très différente de la race aubrac, paturent dans un pré verdoyant dont les abords portent des avertissements itératifs du propriétaire au sujet de leur caractère 'imprévisible".
Je parcours finalement les derniers kilomètres d'un pas vif, le tonnerre grondant dans mon dos et me retrouve tout juste à l'abri dans l'église lorsque l'orage éclate. Dès la conclusion de celui-ci je quitte cet abri pour un repérage du bourg sous un soleil radieux. Je reviens après quelques minutes seulement vu la taille du bourg pour la visiter à l'église [non sans remarquer auparavant le monument aux morts au sommet duquel trône un coq gaulois] et relever la forme du clocher.
Je passe un long moment à parcourir les 2 niveaux de l'édifice dont j'apprécie les bas reliefs ainsi qu'un lutrin porteur d'un ouvrage de chant.
Au terme de cette visite, je retourne dans le centre du bourg et m'installe dans un café où se trouvent déjà attablés [devant un viande de l'Aubrac et un pichet de vin de pays en guise goûter] un couple franco-italien déjà rencontré lors des 2 précédentes étapes et ma colocataire d'hier. Nous bavardons de choses insignifiantes pendant une bonne heure avec la tenancière dont le mari est parti, en ce dimanche, avec son équipe de football défier semble t-il l'énnemi héréditaire du village voisin; elle nous pronostique une fin d'après midi moins tranquille en son établissement destiné à devenir, selon l'issue de la confrontation, le lieu de libations pour fêter la victoire ou oublier la défaite en stigmatisant dans les deux cas l'incompétence de l'arbitre [!]. Malgré les perspectives d'un environnement bruyant ce soir, je décide de réserver, la cuisine semblant bonne / la cuisinière souriante et dans la volonté de faire simple mais authentique avec des produits du cru.
Je m'achemine ensuite vers mon hébergement, une chambre d'hote [retenue en l'absence de lisibilité sur les autres possibilités de logement en ce lieu lorsque j'avais préparé mon périple], située comme me l'explique la fille des gérants présente dans l'estaminet, à la sortie du bourg à 1 ou 2 kilomètre. L'accueil y est chaleureux et l'hébergement d'un grand luxe puisque je dispose d'une chambre seule fermant à clé avec une salle de bain privative. Dans ce cadre, je m'attaque à la lessive repoussée jusqu'alors, avant que de souscrire aux rituels [écriture - lecture suivie d'une sieste].
Retourné d'un pas tranquille au bas-restaurant, j'y dîne en compagnie du monsieur âgé ayant terminé sa route dans l'accueil en yourte [ces dernières ont craqué toute la nuit comme un voilier dans la tempête] hier et ma colocataire de la veille. J'apprend que veuf, ce compagnon, est parti avec une préparation minimale et envisage d'arriver au bout de la voie dans 3 à 6 mois [heureux homme, libre de son temps]. L'assiette est à la hauteur de mes attente [viande garnie et St Nectaire] et l'ambiance conforme à la description faite par la patronne [sic] tant et si bien, la fatigue montant, j'abandonne mes compagnons et rentre pour préparer mon sac dans la perspective du lendemain et bouquiner quelques pages.
Finalement ma lecture est rapidement stoppée par le rappel d'une citation figurant dans mon policier : "et in arcadia ego" [moi aussi (la mort) je suis en Arcadie (sorte de paradis terrestre/lieu de félicité pour les poètes antiques) ] qui ramène à ma pensée le décès annoncé ce matin de Mme D*** pour laquelle j'ai posé une pierre dans les contreforts de l'Aubrac au pied de l'une des croix les jalonnant.
"en Aubrac, l'Homme élève son âme, tandis qu'il s'incline dans sa condition de mortel sous le souffle des éléments"
photos / diaporama de l'étape