Camino San Salvador J5
jeudi 10 avril 2014 : Pajares - Pola de Lena
Journée la plus difficile depuis mon départ de Léon, ce périple demeure cependant (malgré les importants dénivelés (positifs et négatifs) "encaissés", la longueur du cheminement, la médiocrité du balisage jusqu'à Campumanes, une dernière section bitumée et enfin la disparition de tout fléchage à partir de l'entrée de la Pola de Lena) une superbe expérience.
Réveillé vers 5h30 par un vague fond douloureux dentaire (?), j'attaque mon périple dès les premières lueurs du jour soucieux de disposer de temps pour profiter de cette étape annoncée comme longue (6h30 / 23 Km), difficile (3/3) et que je soupçonne devoir être ma dernière étape "bucolique".
A un chemin agricole traversant des champs où paissent (sous la vigilante surveillance de molosses peu avenants) moutons et chevaux,
../.. succède rapidement une route rurale bitumée [ :-( ] qui me conduit finalement dans un minuscule village quasiment désert où disparaît tout fléchage (!). Après y avoir erré pendant quelques minutes je suis interpellé par un vieillard qui m'indique une minuscule sente en me précisant, avec un accent à "couper au couteau", de toujours grimper "mano derecha". S'en suivent près de 2 heures de cheminement totalement solitaire sur un sentier extrêmement pentu, à peine dessiné et non fléché. Il faut bien l'avouer, j'ai alors marché, malgré la beauté sauvage du parcours, habité par la sourde inquiétude de m'égarer irrémédiablement; sentiment qui a disparu dès que j'ai eu en ligne de mire les habitations d'un nouveau village.
Tout aussi désert et exempt de toute indication que le précédent, j'y rencontre finalement 2 charmantes octogénaires, à l'espagnol cette fois totalement incompréhensible, qui m'accompagnent, perchées sur leurs sabots, sur près d'un kilomètre jusqu'à la route rejoignant la voie balisée.
Commence alors une tranquille descente par une route bitumée pour rejoindre un nouveau sentier champêtre puis forestier parfaitement balisé : moment de pure quiétude sensorielle et physique (malgré la succession interrompue de montées et descentes) (!).
Les heures se succèdent donc dans cette lente marche qui me donne à profiter de la fraîcheur des herbages encore humides de la pluie tombée les heures précédentes, de l'ombrage de châtaigniers, d'un ermitage et de la vison d'un nouveau village aux greniers surélevés (horreos) réhabilités en cabanons.
J'arrive ainsi vers 13h30 à Campumanes (soit au 2/3 de mon parcours du jour) à une tranquille moyenne d'environ 2,5 Km par heure (!) et dans un état de détachement en rapport toute à la fois avec la sécrétion d'endorphines et la faim. Je m'obtrois donc une pause dans un estaminet et y déguste, outre les pinchos gracieusement proposé par la gérante, un pincho tortilla / chorizo accompagné bien entendu d'un cafe con leche. Repas qui se trouve agrémenté du spectacle de 2 consommateurs (probablement échauffés par un quelconque alcool) s'invectivant, manifestement en désaccord sur le chemin à suivre pour rejoindre en marchant la Pola de Lena.
Ainsi restauré, je repars vers le terme de ma journée, sous un ciel menaçant, par une voie bitumée longeant un rio [ :-(] mais dont les rambardes servent de pistes de course à une multitude de lézards [ :-)] ; j’y aperçois également un écureuil dans les branchages des arbres l’ombrageant.
Le fléchage me conduit (en empruntant une très probable ancienne voie romaine à la déclivité "significative") à une église pré-romane devant laquelle paît un troupeau de caprins
Après avoir exploré longuement les extérieurs de l’édifice (dont l’entrée est une nouvelle fois fermée) j’attaque la dernière portion de mon cheminement en empruntant une voie pavée puis une nouvelle section bitumée.
J’atteins ainsi l’entrée de La Pola de Lena au niveau de laquelle disparait tout marquage (!).Je parviens cependant (après avoir interrogé successivement 3 septuagénaires faisant leur jogging, des collégiens à un arrêt de bus, un vieux monsieur très digne promenant son chien et enfin un policier municipal –parlant anglais--) à rejoindre l’albergue en cet fin d’après midi.
Il s’agit manifestement d’un foyer socioculturel et j’y suis accueilli de manière très empathique par une charmante quadragénaire prénommée Paloma. Cette dernière me conduit dans un vaste dortoir de 20 lits (avec des sanitaires/douches d’une grande modernité et d’une parfaite propreté) dans lequel je vais être une nouvelle fois seul (situation qui me convient parfaitement).
Après avoir souscrit aux rituels de fin d’étape (dont une lessive s’imposant au regard de l’odeur dégagée par mes chaussettes !), je rejoins le centre ville où je m’installe à la terrasse d’un café pour y écrire puis lire en regardant les « autochtones » vivrent (jeux chahuteurs des enfants / discussions souvent très animées et autour de bouteilles de cidres servies à la régalade des adultes).
La fin de journée se déroule ainsi dans une douce langueur et, alors que les prémices de la nuit s’annoncent, je fais le constat que je viens de vivre une nouvelle superbe journée marquée du plaisir (que la courte période d’incertitude du début de journée n’a pas gâché) d’un long cheminement solitaire à travers un environnement rural certes un peu « austère » mais pourvoyeur en permanence de riches sollicitations sensorielles.
19h sonnant au loin, je regagne mon hébergement où (après une frugale collation) je m’ « effondre » brutalement submergé par une "bienheureuse lassitude".