8 eme jour : Espalion - Estaing
mardi 1er mai : Espalion - Estaing - 12,8 Km
Étape très courte (de récupération) programmée sur la base des recommandations du guide Lepère*. Elle s'avère "sensorielle" sollicitant l'ensemble de mes 5 sens a) l'ouïe avec le chants des oiseaux, le bourdonnement des abeilles, le meuglement des vaches et le son des églises au loin b) la vision par les paysages et les édifices vus c) l'odorat à travers les effluves végétales des bois et champs d) le gout grace aux aliments du terroir e) le toucher à tous les instants de cette marche.
Après le traditionnel copieux petit déjeuner, je quitte mes compagnons ne reprenant pas le Chemin d'emblée pour visiter l'église paroissiale.
J'ai la chance de croiser un paroissien qui m'en décrypte les "secrets" et les symboliques (sans cependant pouvoir m'expliquer la présence de seulement 10 apôtres autour de Marie dans le tympan de l'église de Perse).
Je m'arrête ainsi sensibilisé devant les statuts du portail (St Jean Baptiste-le bon berger-St Hilarian) , les vitraux inspirées de l'ancien testament, la chaire (face à laquelle se trouve une arche en bois porteuse d'une horloge et d'un crucifix placé au dessus du niveau de la chaire afin de rappeler à l'officiant sa condition) et un tableau dont la partie supérieure découverte à l'occasion d'une rénovation est demeurée en l'état faute d'avoir identifié les personnages.
Cette visite achevée j'engage mon cheminement dans la ville qui se réveille en ce jour férié et aborde les premiers kilomètres avec une brume qui nimbe le relief.
Ces dernières se lèvent rapidement et je flâne sous un soleil qui réchauffe l'atmosphère dans le bruissement des oiseaux pour finalement atteindre la chapelle St Pierre de Bessuéjouls et sa chapelle haute romane (cette dernière au regard de l'étroitesse des escaliers d'accès avait elle, en outre une vocation défensive ?)
Je passe un long moment dans la chapelle haute pris dans l'atmosphère de ce lieu conjuguant à mes yeux l'austérité de l'espace avec la richesse de l'architecture.
Mes pas me portent ensuite, sous le soleil, face à de paysages verdoyants et vallonnés .../...
.../... avant que de solliciter mes genoux par une descente caractérisée toute à la fois par sa pente et par son caractère boueux qui oblige à la plus extrême prudence sous peine, non pas tant de se faire mal, mais de terminer l'étape maculé d'une boue argileuse.
Cette "difficulté" surmontée, le Chemin me conduit sans autre contrainte aux abords d'Estaing, non sans m'avoir offert de nouvelles sollicitations sensorielles telles le chant des oiseaux ou le bruissement d'un essaim d'abeilles, les bruits au loin des activités agricoles ou le tintement d'une cloche (d'église ou de clarine) ou bien encore le spectacle d'une chapelle -- celle de St Michel de Verrière et son retable intégrant à la composition le donateur -- perdue au bord de la voie.
Le terme de mon étape ainsi atteint, je prends quelques instants pour métaboliser une pointe de regret puisque cette décision me conduira très probablement à ne plus cheminer avec les compagnons que j'ai jusqu'içi côtoyés (le septuagénaire veuf avec lequel j'ai marché par intermittence quasiment chaque jour depuis le départ, l'ancien coureur cycliste rencontré avec Mme D*** à Nasbinals et ayant partagé mon gîte et couvert hier -- il avait le moral "en berne"ce matin et parlait de s'arrêter si pluie ou boue étaient sur le Chemin aujourd'hui / a confié hier soir être au chômage, divorcé et pratiquement sans domicile; il m'a semblé par ailleurs que ses liens avec ses 2 enfants -- fille chirurgien / carcinologie à Lyon et fils commercial chez Mercedes Bentz*-- étaient un peu distendus); Il en est ainsi du Chemin.
Arrivé à l'heure du déjeuner, je me dirige vers un restaurant annonçant un "menu pèlerin" pour m'entendre dire que celui-ci, bien qu'affiché, ne peut être servi un jour férié [!!!]; je ne veut pas discuter et commande une viande garnie avec un verre de vin complétée d'une crème au caramel. Malgré le caractère peu "hospitalier" de l'addition (total équivalent à un hébergement en gite avec repas du soir et petit déjeuner) ce repas comble mon appétit et constitue un réel moment de plaisir.
Ne pouvant bénéficier de la chambre réservée dans une annexe du Logis de France de l'endroit avant une bonne heure, je me dirige sac au dos (l'accueil "frais" -- teinté de dégoût pour mes chaussures souillées de boue -- de la gérante m'ayant peu encouragé à laisser mon sac sans surveillance dans le hall de son établissement) vers le coeur du village pour une première reconnaissance.
Cet accueil très peu "hospitalier" au regard des us du Chemin, complétée de l'épisode du restaurant et de la remémoration du "supplément single" appliqué lors de ma réservation me confirme que je me suis trompé dans ma programmation en organisant ainsi un arrêt en ce lieu (à ma décharge je n'étais pas parvenu à réserver dans un autre hébergement et je n'envisageais pas début 2012, ignorant alors de notions apprise sur le Chemin, de faire halte dans un hébergement "chrétien"); à l'évidence cette halte sera dans l'esprit du Chemin pour les édifices mais clairement "en décalage" avec mon expèrience des jours précédents pour le reste (seul dans une cité mercantile).
Ma flânerie me conduit très naturellement d'abord face au château (dont une façade en cours de restauration est enlaidie d'échaffaudages) puis au niveau de l'église dans laquelle je m'attarde à la fois en raison de ses points d'intêret mais également pris dans une dérive de la pensée qui me conduit à m'immobiliser en ce lieu.
Le crucifix du parvis puis une statue de femme aux traits tirées et triste retiennent mon attention .../...
.../... tandis que des vitraux à la facture très moderne me déroutent quelque peu au regard du lieu.
Avant que te regagner l'hotel, ou plus exactement une annexe, je parcours quelques vieilles ruelles qui me permettent de découvrir un pont avec un blason et l'arrière du château, que je renonce à visiter pris par une douce lassitude devant plus je crois à la conjugaison du soleil avec le vin de pays qu'à la fatigue de l'étape (bien que la descente dans le sentier boueux m'est sollicitée physiquement).
La tenancière de l'hotel restaurant, sans doute libérée des soucis du service de midi, consent finalement à me guider jusqu'à ma chambre (propre au premier abord mais ne valant clairement pas le prix demandé, d'autant que je découvre un peu plus tard que le réservoir du WC est couvert de poussière !). Je décide de négliger ce point afin de ne pas ternir l'atmosphère de ma journée et me livre à mes rituels "purificateurs" avant que de faire une sieste prolongée dont je me réveille à peine une heure avant le dîner. Celui-ci solitaire et n'appellant aucun commentaire, précède une très courte soirée de lecture.
Je glisse rapidement dans le sommeil impatient de quitter cette cité qui ne constituera pas pour moi une étape du Chemin mais l'exemple du mercantilisme qui le pollue et auquel j'avais jusqu'alors eu le sentiment d'échapper (!).
Point positif, cette expérience m'aura permis d'identifier plus clairement ces us et coutumes du Chemin aux antipodes desquelles s'inscrivent les pratiques mercantiles des professionnels rencontrés ce jour (à l'exception, il est vrai, de la gérante d'un modeste bar tabac dont l'accueil fut hospitalier, attentif et souriant).